Voyage dans le temps

Bienvenue dans la malle aux trésors, une archive que j'aimerais rapporter au présent...

Il y a quelque temps, alors que je parcourais les rues d'une petite île italienne avec un ami, je lui ai posé une question:

Je lui ai demandé quelle époque il souhaiterait visiter si les voyages dans le temps étaient possibles? Nous nous sommes donc mis à rêver à l'Empire Byzantin, aux temps des pharaons, des conquêtes et de mille et une autres possibilités.

Je ne pouvais pas me douter à cet instant qu'un mois plus tard j'allais justement monter moi-même dans une capsule temporelle vieille de 104 ans...

Dimanche dernier alors que j'erre dans une brocante d'Uzès comme on erre dans une tragédie de Racine, je regarde ma fille déambuler entre les établis qui proposent tous de merveilleux trésors: un service de vaisselle peint à la main, un vieux téléphone, des vêtements vintage et j'en passe.

À ce moment précis, toute mon attention est portée sur ce merveilleux et kitschissime coffret de vin label Johnny Hallyday, il me le faut absolument.

Et puis, je m'arrête devant un dernier brocanteur, j'attend les garçons qui négocient sévère le prix d'une lampe, et, alors que je m'apprête à perdre patience, (franchement, l'heure de l'apéro est passée depuis un moment...), je découvre une jolie petite malle en cuir de laquelle dépasse un joli petit wagon de train électrique.

Je m'agenouille pour l'ouvrir et sous mes yeux ébahis, je découvre des tonnes de lettres manuscrites! Elles gisent là, éparpillées, dans la boîte... C'est d'abord la calligraphie absolument parfaite de certaine lettre qui m'attire et c'est au moment de saisir l'une d'entre elles que ma curiosité est piquée, je remarque la date:

Marseille, le 23 novembre 1918

"Ma chère Marie,

J'ai plaisir à vous écrire ce tout petit mot pour vous demander des nouvelles de tous à la fin de cette terrible guerre, vous dire combien je suis heureuse de penser que votre cher Maurice va vous être rendu après un si long et pénible exil, chantons malgré nos deuils et tant de souffrance la gloire de notre France Victorieuse! Le retour de l'Alsace et de la Lorraine (...) Comme je les aime tous ces soldats morts qui ont péri pour nous, ils sont sacrés à jamais...

Je pense à vous tous et vous embrasse de tout mon coeur."

Antoinette Marcorelle La lecture de ces mots est si intense qu'elle fait parcourir dans tout mon corps une décharge électrique! "Combien pour la malle avec les lettres?" et me voilà trente euros plus tard repartie avec mon trésor sous le bras sans savoir que j'allais tenir entre mes doigts la correspondance de guerre d'une star de 1900. C'est un sentiment étrange que de saisir ces lettres, un mélange de mystère mais aussi d'un peu de voyeurisme. J’ai une passion absolue pour les portraits, pour ces autres vies que la mienne, ces vies dont j’ignore tout, J'aimerais plonger dans leur existence comme un narrateur omniscient, qui aperçoit le chemin parcouru mais aussi les centaines de micro-secousses qui ont fait basculer le destin d'une vie. Je sais exactement quand cela a commencé. Je peux même entendre le déclic, celui de l'imagination, de ma passion pour inventer, raconter les histoires et parfois, les deux à la fois. il n’y a pas de projet, pas de plan, pas de prétention mal placée juste l'envie d'écrire et de partager là sur une page tant de mots, de pensées et de sentiments qui s'affairent dans ma tête à ce moment précis ou se tient entre mes deux mains tant d'Histoire, de souffrances mais aussi de victoire, d'espoir et d'amour. Est-ce que, Antoinette Marcorelle pouvait s'imaginer un jour que la lettre qu'elle a destiné à sa précieuse amie Marie, écrite depuis sa demeure de Marseille le 23 novembre 1918 allait se retrouver un 13 novembre 2022 dans les mains de Leslie Berloty qui la lit en buvant un café dans sa cuisine de Corsier? Certainement pas. La vie ne cessera jamais de m'étonner, un jour nous sommes nés et un jour ou l'autre cette vie s'arrêtera, mais entre deux je veux continuer de croire que nos cœurs et nos esprits feront des mouvements communs. Ce weekend, avoir tenu entre mes mains la correspondance d'une femme ayant traversée la guerre m'a bouleversée au plus profond de mon âme. Que deviendront mes mots, mes pensées et les sentiments tapés sur ce clavier? Que deviendra le digital dans cet ouragan d’algorithmes ? Est ce qu'un jour, de manière anodine une jeune femme pénétrera dans ma vie bien après ma mort? Je l’ignore, mais ce qui ne sera pas enseveli c'est tout l'amour des mots. Ces lignes, je les dédient à tous ceux qui prennent le temps de me lire alors que notre taux d’attention est proche de zéro, à tous ceux qui acceptent de réfléchir, d'imaginer de partager et d'aimer, il est là le plus beau des voyages dans le temps.