La robe violette

Hier, j'ai atteint le sommet !

Pas parce que je m'entraîne pour ne pas mourir en haut d'un volcan, non non... Mais j'ai atteint le sommet de la bêtise ou peut-être du ridicule. J'ai participé à une course effrénée dans les magasins afin de trouver ce fameux vêtement parfait, pour la soirée parfaite du samedi soir, celui qui va vous donner les courbes d'Elizabeth Hurley, mais l'attitude 100 % girl next door de Jennifer Aniston...

Après avoir écumé les portants et autres étalages... J'ai fini par acheter... UN PYJAMA !

Pas n'importe quel pyjama hein, une belle nuisette qui ne ressemble en rien à quelque chose que je porterais pour aller me glisser sous les draps ! En arrivant à la caisse, un peu étonnée tout de même, je demande conseil à la vendeuse qui a la moitié de mon âge, juste pour être sûr :

"Excusez-moi mademoiselle, cette euh... Robe (qui fait très pute-pute quand même), pyjama ou robe ?"

"C'est une chemise de nuit Madame, mais c'est très bien pour une soirée aussi, ça fera des ravages !"

Ah, ben, évidemment, ça risque de faire des ravages puisqu'on sort presque à poil... Ah ! Enfin je vais comprendre, je vais muter ce soir, me transformer, me travestir en ploumpette, troquer le comfy pour le sexy, enfiler le costume de ces femmes qui font tourner toutes les têtes et tous les regards.

Là, au milieu des culottes et autres body de charme, je me suis dit, que c'est incroyable au fond tout ce que l'on fait pour plaire, pour être regardé, notifié. Je suis finalement assez émue par tous ces rites par lesquels nous passons sans cesse, nous les femmes, pour nous montrer sous notre meilleur jour : les ongles parfaits, les cheveux de déesses, longs, toujours plus longs, car il n'y a que comme ça que s'exprime la féminité, l'épilation, le maquillage et j'en passe... Mais enfin ! Pour qui ? Et surtout pour quoi ?

Est ce ainsi qu'on rejoint le monde et qu'on l'apprivoise ? Est-ce qu'on le fait pour nous, pour nous sentir bien, ou est ce qu'on le fait pour atteindre un étrange idéal de société, atteindre la masse et se faire une place dans cette complexité ?

Je pourrais continuer avec tant d'autres rimes tarées...

J'ai toujours eu une fascination pour ces femmes impeccables qui sont toujours au top du combo gagnant : "fringues/cheveux/make-up". Celles qui sont des gravures de mode dans la cour de l'école pour aller chercher les enfants, celles qui ne sortent pas sans mascara, celles qu'on croise en talons à la salle de sport. À quoi pensent-elles ? Qu'est-ce qui les anime, les peines, les chagrinent ou les emballent ?

Je n'en ai pas la réponse et surtout je me rends bien compte que je succombe à leur rite moi aussi de temps en temps, et si ces femmes me fascinent c'est bien parce que je les envie, je les jalouse parfois. Comment faire ? Mes pantalons oversize et mes baskets sont tellement plus confortables ! Mais je continue le jeu de mimétisme, car avouons-le, c'est difficile de ne pas vouloir plaire !

Combien d'entre nous sont restés cette petite fille qui a préparé un spectacle pour être applaudie ?

Combien cherche l'œil qui les fera exister ? Quelles sont les performances folles que nous avons réalisées, les accoutrements d'adolescente que nous avons enfilé dans le but de satisfaire un jeu amoureux ?

Ma quête de la robe violette peut paraître tragique, névrotique, la foire aux vanités ! Et puis il m'arrive de me demander si tous ces artifices ne viennent pas entraver notre force vitale, et si, à force de tout faire pour plaire, on plaît encore moins justement, on s'éteint.

Est-ce un narcissisme mal placé ou une poursuite qui appelle à la présence et à la reconnaissance ? Est-ce que tout ce cérémonial n'est pas finalement une invitation à créer une relation ? Le regard de l'autre est un choc, peut-être parce qu'il permet de saisir l'âme de celui qui est regardé. Peut-être que c'est ce que nous recherchons : être regardé avec sincérité, être rencontré.

Et si nous remplacions l'expérience de la séduction par la présence et le charme sincère ?

En attendant que le charme opère, je vous laisse à vos us et coutumes du samedi, je m'empare de ma nuisette violette et de mes plus beaux apparats, il y a du boulot avant de ressembler à "ploumpette"! Je m'en vais faire l'expérience de la comédie humaine, mais ne vous en faites pas, dimanche matin, j'irais chercher les croissants en jogging, en Ugg et sans mascara !